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« Les architectes d’intérieur sont là pour matérialiser les envies »

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Présidente du jury du festival Design Parade Toulon, l’architecte et designer India Mahdavi lève le voile sur ce métier peu connu.

Par Marie Godfrain

La première édition du festival Design Parade Toulon, consacré à l’architecture d’intérieur, présente les projets de dix jeunes talents. India Mahdavi, présidente du jury chargé de les départager, explique ce métier encore mal considéré.

 

La Design Parade Toulon est le premier festival ­international d’architecture d’intérieur. Pourquoi un tel événement n’a-t-il jamais eu lieu avant ?

Notre métier est peu connu et mal considéré : les gens pensent qu’un architecte d’intérieur coûte cher, alors que, bien souvent, il permet de réaliser des économies. Il est habitué à gérer un chantier. Grâce à lui, le client gagne du temps et de l’énergie.

Quel est son rôle exact ?

Il est là pour matérialiser les envies des clients. Parfois, il se contente d’intervenir sur la décoration, d’autres fois, il modifie les volumes intérieurs. C’est un chef d’orchestre qui travaille sur la couleur, les circulations, la lumière et compose des harmonies à vivre dans des espaces. Il est aussi psychologue, il écoute les clients et leur propose des possibles que, souvent, ils n’imaginaient pas. Hélas, en France, il y a une arrogance du goût qui empêche de faire confiance à un professionnel sur les questions d’esthétique.

La création d’Iqra Firdausy et d’Esa Anggita Saraswatie (Indonésie). En haut : Création de Paquita Barletta, d’Aurélie Vial et de Joséphine Devaud.
La création d’Iqra Firdausy et d’Esa Anggita Saraswatie (Indonésie). En haut : Création de Paquita Barletta, d’Aurélie Vial et de Joséphine Devaud. LOTHAIRE HUCKI

Temps fort du festival, le concours primant de jeunes architectes d’intérieur avait pour thème la Méditerranée. Pourquoi ce sujet ?

Cela nous a semblé évident, dans la mesure où l’exposition est présentée à Toulon, dans cette région qui symbolise selon moi une sorte de Californie. De plus, nous cherchions un thème qui fasse écho à Hyères, où se situe la Villa Noailles, organisatrice de l’événement. Je trouvais important de souligner le lien qui nous unit avec ce lieu consacré à la mode, au design, à la photo et à l’architecture, des disciplines que nous intégrons dans nos projets ou dont nous sommes proches. Et puis je voulais que la thématique embrasse tous les sud, qu’elle soit assez vaste pour que les candidats donnent libre cours à leur imagination.

Pour India Mahdavi, il est important de retrouver le plaisir des sensations fortes, notamment à travers la couleur ou la texture.
Pour India Mahdavi, il est important de retrouver le plaisir des sensations fortes, notamment à travers la couleur ou la texture. PAOLO ROVERSI

Quels étaient vos critères de sélection ?

L’objectif de l’exposition n’est pas de montrer le luxe, plutôt de dire « regardez ce que l’on peut faire chez vous », notamment à la génération Instagram sensible à l’image, à la beauté, à la couleur. Il fallait que chacun puisse y projeter ses goûts et sa sensibilité, indépendamment de tout bagage culturel. Voilà pourquoi nous avons choisi d’exposer des espaces très différents, de la pièce entièrement aménagée de meubles et d’objets de récup’à une salle à manger opulente.

Le 2 juillet, votre jury a décerné le premier prix au Studio Quetzal pour son immersed Office, un bureau inspiré de la structure des bateaux. Pourquoi distinguer ce projet-ci ?

Ce travail est le fruit d’une réflexion aboutie sur l’optimisation et la fonctionnalité de l’espace. Le concours n’en est qu’à sa première édition. Aussi, c’était important pour nous de marquer notre intention de récompenser non pas des idées de décoration, mais une réflexion sur l’utilisation de l’espace.

L’Immersed Office du studio Quetzal, premier prix, s’inspire de la structure d’un bateau.

L’Immersed Office du studio Quetzal, premier prix, s’inspire de la structure d’un bateau. LOTHAIRE HUCKIQuelles sont les qualités communes à tous les candidats ?

Non seulement leurs projets respectent les contraintes du métier – budget, calendrier, espace, circulation, lumière –, mais ils sont aussi oniriques et précis dans ce qu’ils racontent. Une forme d’émotion se dégage d’une table en résine, d’une bibliothèque en bois brut, d’un simple bouquet de fleurs. A l’ère de l’omni­présence des écrans, c’est important de retrouver des sensations fortes, du palpable à travers la couleur, la texture, le goût, le parfum.

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